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Réforme 2019 des lycées, mathématiques décapitées et des inégalités filles-garçons accrues (on a reculé de 25 ans).*

Les paroles et les faits, mathématiques décapitées

      D’un côté les déclarations d’intention du ministre de l’Education Nationale : « relever le niveau de mathématiques de la maternelle à la terminale ». Le rapport « 21 mesures pour l'enseignement des mathématiques » remis au ministre par Cédric Villani (Mathématicien qui a reçu la médaille Fields, récompense suprême) et Charles Torossian (Inspecteur général) en février 2018 devait permettre d’atteindre l’objectif.

     De l’autre côté, la réforme du lycée en 2019 a mis fin aux traditionnelles séries (L, ES, S). Patatras, le constat des associations professionnelles (Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public, Société Mathématique de France, Femmes et Mathématiques …) est sans appel: « Avant la réforme, 90% des élèves suivaient un enseignement de mathématiques en terminale, mais  (depuis la réforme) seulement 59% l’ont choisi l’an dernier en spécialité ou option ».

 

Moins de maths, c’est grave docteur ?

     Oui, c’est grave parce que les portes des études scientifiques se ferment pour beaucoup de jeunes, et encore plus pour les filles que pour les garçons. Vivier de compétences divisé par 2 ?

     Oui, c’est grave parce que les métiers de l’enseignement, très fortement féminisés, en particulier dans le premier degré risquent également de subir de plein fouet le défaut de formation dû à l’abandon massif des mathématiques par les filles en première.

    Oui, c’est grave parce que beaucoup de jeunes de milieu modeste oseront encore moins choisir une spécialité maths. Sélection sociale accrue.

    Oui, c’est grave parce que cela signifie un recul genré : les hommes aux sciences, les filles où ? au commerce, aux métiers du soin… ? 

 

En sciences au lycée, les inégalités filles-garçons repartent à la hausse*

      La réforme du lycée aggrave les inégalités entre filles et garçons en mathématiques, anéantissant brutalement plus de 25 ans d’efforts.

     Seulement 25% des filles en 2021 ont un enseignement de mathématiques de plus de 6h hebdomadaires contre 45% avant la réforme. Ce décrochage est encore plus édifiant en première générale, où près de la moitié des filles abandonnent les mathématiques en fin de seconde en 2021, alors qu’elles étaient jusqu’en 2018 environ 83% à poursuivre un enseignement de mathématiques.

     L’effet ultra-élitiste provoqué par l’absence des mathématiques du tronc commun et la restriction des choix disciplinaires en première induisent donc un déséquilibre majeur entre les filles et les garçons, déséquilibre annoncé dès 2018 par les associations professionnelles, et contre lequel toute la communauté mathématique essaie de lutter depuis de nombreuses années.

 

Quinté perdant

     Moins de maths, moins de chercheurs, moins d’ingénieurs, moins de techniciens, moins de citoyens avertis capables de comprendre pourquoi et comment leur pouvoir d’achat est en berne alors que les dividendes des grandes entreprises augmentent, capables de comprendre les enjeux financiers des choix énergétiques... Moins de richesses industrielles et de moins en moins de vie démocratique.

     Alors que dans les études internationales les plus récentes, la France se trouve actuellement parmi les derniers des pays de l’OCDE en mathématiques à l’école et au collège, on ne peut que s’inquiéter de l’avenir.

 

Suzanne Bourdet           Michel Faye

 

* Communiqué des sociétés savantes, mars 2018. :

      https://femmes-et-maths.fr/2022/01/28/reforme-du-bac-reponse-au-ministre-blanquer-a-propos-de-contre-verites/

      https://smf.emath.fr/actualites-smf/reforme-du-lycee-et-mathematiques-25-ans-de-recul-sur-les-inegalites-fillesgarcons

 

Image: Livre / Rien n'arrête Sophie, l'histoire de l'inébranlable mathématicienne Sophie Germain (1776-1831) de Cheryl Bardoe et Barbara McClintock .  Editions des éléphants.

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