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Les scandales de l’eau minérale en bouteille

En France, l'industrie des eaux en bouteille réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2,8 milliards pour 10 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects.

En 2020, un Français sur trois buvait de l'eau en bouteille plutôt qu’au robinet, alors que les déchets plastiques des bouteilles nuisent à la santé et à l’environnement, que l’eau en bouteille est plus coûteuse… et que sa qualité n’est pas toujours irréprochable.

 

Eau minérale, eau de source, eau du robinet : c’est quoi ?  

Eau minérale naturelle

Elle est captée en profondeur dans une zone protégée de la pollution humaine. Microbiologiquement saine et caractérisée par sa pureté originelle, l’eau minérale garantit une composition unique en sels minéraux et stable dans le temps. Elle est, de ce fait, la seule à pouvoir bénéficier de propriétés favorables à la santé reconnues par l’Académie de Médecine.

Prix public : entre 0,5 et 2 euros le litre.

Eau de source

 C’est une eau d'origine souterraine microbiologiquement protégée contre les risques de pollution. Captée en son état naturel, elle est garantie apte à la consommation humaine.

Prix public : entre 0,2 et 0,5 euro le litre

 

Eau du robinet ou eau de distribution.

C’est une eau potable distribuée directement chez l'utilisateur (ménages, entreprises, bâtiments publics, etc.). Elle est transportée par un réseau de canalisations depuis son point de captage (source, forage, rivière, etc.) jusqu’aux robinets des utilisateurs. Le plus souvent, cette eau est rendue potable par un centre de traitement et de désinfection, puis stockée dans un ou plusieurs réservoirs (chateau d'eau par exemple) en attendant d'être consommée.

Prix public : entre 0,2 et 0,6 centimes d’euro

 

Purification illégale d’eau minérale dite « naturelle » pour continuer à la vendre.

Le journal Le Monde* et la cellule investigation de Radio France** ont découvert que plusieurs « gros » industriels du secteur agroalimentaire appliquaient à leurs eaux en bouteille des traitements interdits.

2020 : un salarié du groupe Alma (Cristalline, St-Yorre, Chateldon, Vichy Célestins …) signale à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation, et de la Repression des Fraudes (DGCCRF) que son entreprise utilise des traitements de l’eau non conformes à la réglementation. Confirmé par les enquêteurs.

Une enquête préliminaire a été ouverte le 7 juillet 2023. Une « information judiciaire pourrait être ouverte pour plusieurs infractions portant sur des faits de tromperie ».

2020-2023 : la répression des fraudes a découvert que d’autres groupes ont eux aussi des pratiques frauduleuses, notamment Nestlé (Perrier, Vittel, Contrex):

 Des traitements illégaux ont été effectués, avec même des dispositifs visant à tromper les agents de contrôle des agences régionales de santé, par exemple des  systèmes camouflés derrière des armoires électriques pour tromper des inspecteurs. De plus, les points de prélèvement utilisés pour qualifier la ressource brute (l’eau à la source) ont été délibérément positionnés après ces traitements non autorisés".

         Ce qui n’empêche pas les « pubs » plus « pures », plus saines », « meilleures pour la santé ». Et 100 fois plus chères (ordre de 0.6 euro  par litre, bouteille comprise) que l’eau du robinet  (ordre de 0,006 euro par litre), mais ça, la pub ne le dit pas.

        Des pratiques couvertes par l’Etat, qui a accordé à Nestlé « la possibilité d’autoriser par modification des arrêtés préfectoraux la pratique de la microfiltration inférieure à 0,8 micron ».

 

Traitements et "combines" utilisées par Alma et Nestlé bien qu'interdits par la réglementation.

         Les eaux minérales doivent être naturellement de haute qualité microbiologique (contrairement à l'eau du robinet qui est désinfectée avant de devenir potable). En particulier pour les biberons des bébés ! Nestlé Waters a utilisé des rayons ultraviolets et des filtres à charbon actifs absolument interdits en France. Et a aussi eu recours, avec l’aval de l’Etat, à une technique de microfiltrage controversée. Jusqu’à la découverte du pot-aux-roses !

         Certains ont coupé l’eau minérale polluée avec de l’eau du robinet, sans informer le consommateur bien sûr. Nestlé Waters

 

Pourquoi ces tricheries ? *

         Normalement, les eaux minérales dites « naturelles » sont puisées en profondeur, et donc protégées des contaminations et des pollutions. Sauf que les changements climatiques et les activités humaines changent la donne. Certaines de ces eaux sont alors polluées par des bactéries, des virus, des particules fines, d’où l’utilisation de filtres interdits jusque-là. Il paraît que les Espagnols le font aussi ; sauf qu’en 2016, une épidémie de gastro-entérite a touché plus de 40000 Catalans espagnols, à la suite de contamination par des eaux usées. Sans parler des microparticules et des nanoparticules plastiques dans l’eau.

        En effet la microfiltration et les traitements des eaux en bouteille peuvent aussi être eux-mêmes des sources de risques sanitaires. Début janvier 2024, une équipe de chercheurs de l’université Columbia ( USA)  a mis au point une technique pour quantifier et caractériser les microparticules et nanoparticules de plastique. Testé sur 3 marques d’eau en bouteille, une forte présence de nanoparticules de polyamide a été mise en évidence : dans certains cas plus de 100 000 nanoparticules par litre. Pour les chercheurs, cette contamination qui n’avait pu être mesurée jusqu’à présent pourrait provenir des microfiltres utilisés en amont de l’embouteillage.

 

 

Beurk.  Il vaut mieux boire l’eau du robinet . Tchin Tchin*** , dans un verre plus transparent que les traitements illégaux dissimulés par les industriels des eaux minérales.

 

Suzanne Bourdet    Michel Faye

 

* Le Monde mercredi 31 janvier 2024 page 6 et 7 : "Eaux en bouteilles: des pratiques trompeuses à grande échelle"

** https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/vosges/affaire-nestle-...

Et

** https://www.lemonde.fr/sante/article/2024/01/29/nestle-reconnait-avoir-e...

*** Tchin Tchin expression ramenée de Chine en 1900, campagne de Chine, par des soldats  français ; en chinois, cette expression signifie « je vous en prie ».

 

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