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Hommage à Ignace SEMMELWEIS

Comme dans tout débat, il y a des personnes qui ne pensent pas de la même façon.

Comme dans tout débat, la tentation est grande de prendre pour un imbécile celui qui ne pense pas comme nous.

Ici le débat vient faire s’entrechoquer la science, la médecine et la guerre (ou plutôt une situation où l’instinct de survie est activé).

Et faire prévaloir plutôt l’une que l’autre, peut aboutir à des avis divergents. Par conséquent, des sources fiables viennent apporter des conclusions contradictoires. Comment ne pas mettre les observateurs attentifs dans un état de tension, comment leur permettre de s’y retrouver, sans basculer dans des réactions excessives qui pourraient être délétères ?

La réponse se trouve certainement dans une exigence de vérité, de transparence. Lorsque nous faisons partie de ceux qui savent, nous nous devons de faire le tri pour restituer une information qui soit la plus claire possible.

La médecine est donc là pour soigner. Et plusieurs niveaux d’action sont possibles : la prévention, le temps du diagnostic, et le temps de la thérapeutique.

Sur la prévention, nous invitons chacun à respecter les consignes gouvernementales dans la mesure du possible. Nous savons que le confinement est compliqué, c’est pourquoi il faut s’efforcer de porter masques et lunettes de protection lorsque l’on sort (masque chirurgical, masque de chantier, masque de fortune…), et se laver les mains le plus souvent possible. Je conclurai plus tard mon article sur un autre conseil.

Sur le diagnostic, soyez très à l’écoute de votre corps car le moindre signe peut être révélateur d’une infection : des yeux qui brûlent, une fièvre qui dure 24h, des picotements dans le nez ou dans la gorge, des maux de tête, des maux de ventre, une « diarrhée » (avec 3 selles liquides par jour), une grande fatigue. Vers J5-J6, une perte brutale de goût et d’odorat. Enfin, vers J7-J10, des difficultés respiratoires doivent vous faire appeler le 15, en urgence.

Sur le traitement, vous l’aurez compris : c’est tout l’enjeu du débat. Ainsi, ayant été infecté, j’ai voulu me procurer de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, ce que je n’ai pas réussi à faire. Pourquoi voulais-je ce remède? Parce que j’ai lu une étude du Pr Raoult qui, avec l’utilisation de cette combinaison de médicaments (connus depuis plusieurs dizaines d’années, peu coûteux, et faciles à fabriquer), montrait une baisse, voire  une disparition complète du portage nasopharyngé du coronavirus, au bout de 6 jours au lieu de 20, ce qui était donc « prometteur ». J’y ajoute aujourd’hui les précautions suivantes (votre esprit critique fera le tri) : le nombre de sujets inclus n’est pas suffisant (24 initialement, étude répliquée ensuite sur 80 patients),  l’étude n’a pas été faite de manière randomisée, en double aveugle, contre placebo (peut-être qu’un groupe de personnes qui aurait pris un placebo aurait vu également une diminution du portage naso-pharyngé). Enfin, le fait de faire baisser rapidement le portage naso-pharyngé ne nous permet pas de conclure que le temps de contagiosité de la personne infectée est diminué, et ne permet pas non plus de conclure que cela diminue le risque de pneumonie et donc de passage en réanimation (et de risque de décès).

Autrement dit, nous sommes en guerre, et nous allons au front d’abord sans protection (pas de masques, pas de lunettes), puis, en plein milieu du combat, on nous retire une arme « prometteuse », dont la science ne nous permet pas de valider si c’est un bazooka, ou bien un lance-pierre. Personnellement, entre J7 et J10, j’ai donc adopté la stratégie thérapeutique qui fut gagnante : celle d’écouter en boucle « Get lucky ». Puisque les seules armes qui me restaient, c’étaient l’humour noir, et la patience.

Enfin, j’aimerais conclure sur l’histoire d’Ignace Semmelweis, au sujet duquel Louis-Ferdinand Céline a rédigé une thèse de médecine… C’est ce médecin hongrois qui, au milieu du 19ème siècle, a osé défier ses confrères en disant qu’il fallait se laver les mains avant de pratiquer l’accouchement, pour éviter des morts. Près d’un siècle aura été nécessaire pour qu’il connaisse une gloire posthume bien méritée. Chaque jour, des milliers de nouveaux cas d’infection, chaque jour des centaines de décès, seulement en France. L’urgence ne doit donc pas nous faire réfléchir en méthodologiste, ni en scientifique, mais en médecin. Je vais donc dire quelque chose qui n’est pas validée scientifiquement, mais qui est issue du terrain (une amie médecin généraliste, + une étude chinoise* pas encore publiée, et tellement de limitations méthodologiques : seulement 2173 patients étudiés…) : si vous avez le groupe sanguin O, vous êtes susceptible d’avoir une forme atténuée de l’infection à coronavirus. Voici donc mon conseil médical (qui ne vaut que ce qu’il vaut, car il n’est pas validé scientifiquement) : si vous êtes du groupe O et que vous avez des picotements dans les yeux de manière inhabituelle, peut-être est-ce le signe que vous êtes infecté, donc arrêtez de vous frotter les yeux et de laisser trainer vos mains pleines de doigts… Et lavez-vous les mains, à la manière d’Ignace Semmelweis !

 

Laurent Marulaz, médecin hospitalier

 

*Relationship between the ABO Blood Group and the COVID-19 Susceptibility. Jiao Zhao, et al. 2020.et aussi

https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir/qui-est-ignace-semmelweis, 13/09/2016

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